Le cheval
Animal magique et mystérieux, le cheval est associé par une croyance aussi ancienne qu'universelle aux ténèbres du monde chthonien : il peut alors surgir aussi bien des entrailles de la terre que des abysses de la mer (la désignation des vagues sous le nom de « chevaux de mer », l'écume étant leur crinière, est claire à ce sujet). Mais le cheval reste très complexe dans ses acceptions symboliques, puisqu'il est aussi bien porteur de vie que de mort, est associé à l'Eau ou au Feu (avec valorisation positive ou négative des deux symboles : le Feu vivifiant ou destructeur, l'Eau nourricière ou asphyxiante).
Très présent dans les mythologies, le cheval peut devenir inquiétant, voire franchement maléfique. Il est alors un animal des ténèbres lié à la mort et possédant parfois des qualités de psychopompe.
Selon la démonologie, Orobas est un grand prince des Enfers, qui commande à vingt légions. Il se montre sous l'apparence d'un cheval.
Dans de nombreux pays européens, les morts chevauchent des coursiers noirs ou démoniaques, croyance que l'on retrouve dans les chasses infernales : c'est pourquoi on appelait une civière « cheval de saint Michel » (les Hongrois désignent ainsi un cercueil), et les Grecs, dans certains chants populaires, décrivent le nautonier des Enfers, Charon, juché sur un cheval.
Porteur de fantasmes, l'animal apparaît comme un miroir où se reflète la nature profonde de l'homme. Souvent, le cheval symbolise l'agressivité sexuelle masculine.
Fils de Centauros, lui-même fils d'Apollon, les Centaures symbolisent la concupiscence charnelle et la violence qui rend l'homme pareil à une bête.
Les Centaures, qui vivaient avec leurs femelles, les Centauresses, dans les forêts et les montagnes, se nourrissaient de chair crue et ne pouvaient boire sans s'enivrer.
Apparaissant le plus souvent en troupeaux, ils ne dédaignaient pas enlever et violer des femmes.
Le Centaure est en effet dominé par ses instincts primaires, il est l'image édifiante de la double nature humaine, mi-bestiale et mi-divine. Il est aussi l'exact contraire du chevalier qui dompte et maîtrise les forces brutales (l'humanité l'emporte sur la bestialité). Dans les Métamorphoses d'Ovide, cet hybride d'homme et de cheval portait le nom de « Biforme ». Il fallut pourtant longtemps avant qu'il ne prenne la forme qu'on lui connaît. Les monuments archaïques présentent un homme nu auquel s'adapte, avec plus ou moins de bonheur, la croupe d'un cheval.
La connotation sexuelle des Centaures est bien montrée dans la légende de leur combat contre les Lapithes, qui les avaient invités à une noce. Le vin était chose nouvelle pour ces hybrides et, au milieu de la fête, un des Centaures, ivre, tenta de violer la jeune mariée. Les Centaures, vaincus, durent quitter la Thessalie. Héraclès, lors d'un autre combat, anéantit leur race à coups de flèches. Les Centaures symbolisent la barbarie rustique, et la violence, la domination des instincts.
La déesse gauloise Solimara est une déesse-jument sans doute autrefois solaire comme semble l'indiquer son nom, liée à l'eau et à l'autre monde.
Les Leuques la représentaient sous la forme d'une jument au-dessus d'un poisson. Le cheval est psychopompe (guideur d'âme), et que le poisson est le symbole du retour à la Mère.
Un conte (Collecté au XIX° siècle par le folkloriste L.F. Sauvé)La belle princesse d'Anfondrasse refuse d'épouser un vieux roi tant qu'elle n'aura pas retrouvé son écharpe, perdue dans les airs, et son collier de diamants perdu dans la mer. Un jeune homme nommé Prudent est accusé de s'être vanté de les retrouver. Et bien qu'il n'ait en réalité rien prétendu de tel, il se retrouve obligé de partir à la recherche des objets perdus. Il ne pourrait y parvenir, mais l'aide de son amie la Jument (qui est en réalité une princesse ensorcelée) et celle du roi des Poissons lui permet de venir à bout de cette difficile quête. Malheureusement, la princesse tombe amoureuse de Prudent et refuse toujours, par conséquent, d'épouser le vieux roi. Furieux, ce dernier ordonne de faire chauffer un four durant vingt-quatre heures et d'y jeter le malheureux jeune homme. La Jument dit alors à Prudent de lui ouvrir une veine de la jambe droite et de se baigner tout le corps avec son sang. Prudent obtempère, et c'est ainsi qu'il peut rester trois jours et trois nuits dans le four, sans aucun dommage. Par la suite, Prudent retourne auprès de la Jument et s'aperçoit qu'elle est devenue une magnifique jeune femme. Sommé de choisir entre la princesse et l'ex-jument, il décide d'épouser l'ancienne Jument.
Dans son analyse de ce conte, Jean Markale («La femme Celte») fait remarquer que:
«... pour conserver la vie de Prudent, la jument le couvre de son propre sang, c'est-à-dire qu'elle cache son fils (Prudent) dans sa propre matrice, le nourrissant et le protégeant de son sang contre la sécheresse (= la catastrophe de la naissance) représentée par le four chauffé. Il s'agit aussi, sur le plan social, ajoute-t-il plus loin, de la même révolte du jeune fils contre le vieux roi (son père), avec la complicité active de la Mère (la Jument) et, ce qui est très significatif, l'aide du roi des Poissons, c'est-à-dire les fidèles de l'ancien ordre gynécocratique, le poisson étant le symbole du retour à la Mère. »La conclusion du conte, où Prudent choisit l'ancienne Jument, montre clairement un retour à la mère et, plus encore, un retour au culte de la Mère, c'est-à-dire la Grande Déesse, Mère de toutes choses, adorée par les Anciens. Jument et Poisson, les mêmes éléments constituant la représentation de la déesse Solimara.
En tant que représentation de la primitive Déesse-Mère, détrônée par les cultes phallocratiques accompagnant la fin du matriarcat et l'avénement du patriarcat, le cheval est associé au symbole de l'Eau. C'est ainsi que les auberges, lieu où l'on se désaltère, étaient signalés par des enseignes représentant un cheval blanc.